9:863 863 PREFACE DES DISPUTATIONS CHRESTIENNES DE R VIRET. IEH4N CALVIN AUX LECTEURS. La dilection de Dieu, nostre Pere, et la grace de nostre Seigneur Iesus Christ, vous soit donnee et multipliee de iour en iour, par la communion du sainct Esprit. Il y a un Poete ancien qui dit que celuy qui delecte et profite tout ensemble en ses escritz a gaigne le pris et faveur envers tous. Cela est dict a cause de la diversite des natures. Bien est vray que la seule doctrine, quand nous la congnoissons bonne et utile, nous devroit bien suffire pour nous inciter a lire voulentiers un livre, y appliquer nostre estude, l'aymer et le priser, et finalement y prendre plaisir. Mais il y en a plusieurs, et quasi la plus-part, qui seront beaucoup plus aises qu'on les enseigne avec une facon ioyeuse et plaisante qu'autrement: en sorte que, comme en s'esbatant, ilz profitent et receoyvent instruction. Tout ainsi donc que ceux qui s'occupent a composer livres de passe-temps vain et frivole, et amusent le monde a les lire, sont a vituperer, encore qu'il n'y eust nulle corruption: aussi d'autre coste ceux qui ont la grace de tellement enseigner, qu'ilz delectent quant et quant, et induisent les lecteurs a profiter par le plaisir qu'ilz leur donnent, sont doublement a louer. Et de-faict c'est une vertu et faculte qui n'est pas en tous. Mesme les plus savans quelque foys n'y pourront pas advenir: et qui plus est, se feront ridicules en affectant ce qui ne leur est pas donne. Car un homme qui veut user de faceties se doit donner garde de deux vices. L'un est qu'il n'y ayt rien de contraint, ou tire de trop loing : comme il y en a aucuns qui ont des froides risees, lesquelles ii semble advis qu'on leur ayt arrache du gosier par force. L'autre est de ne point decliner a une iaserie dissolue, laquelle en latin se nomme scurrilite, en nostre langage plaisant erie. Ainsi de tenir le moyen, c'est de savoir bien a propos, et avec grace et par mesure, parler ioyeusement, pour recreer tellement qu'il n'y ayt rien