7:86 il [page 76] n'a pas este envoye de Dieu son Pere, pour exercer l'office d'un iuge terrien: mais pour racheter le monde par sa mort, et testifier par la predication de l'Evangile, la grace de ceste redemption, et semblablement tous les biens que nous re* cevons par luy. Comme nous voyons qu'il promet au brigand de le recevoir en son paradis (Luc 23, 43): et toutesfoys iceluy ne laisse pas de porter la peine de son malefice. C'est donc une mesme absolution qu'il fait a la femme et au brigand. Mais la iustice terrienne punit le brigand: la femme s'en retourne impunie, pource que les iuges se sont retires de honte. En somme, l'acte qu'a faict nostre Seigneur envers la femme adultere, n'est autre que celuy que font auiourd'huy ses serviteurs et ministres de sa parolle envers tous malfaicteurs. Car ilz mettront seulement peine de les exhorter a repentance, et se retourner au droit chemin, puis apres de les consoler en leurs consciences, leur presentant la grace de nostre Seigneur Iesus, et les asseurant de la remission des peches. Ilz n'entreprendront pas de les punir. Car ce n'est pas chose qui leur appartienne. Mais cependant ilz n'empescheront pas la iustice d'y mettre la main. Le tout est, que nous sachions l'office do nostre Seigneur Iesus: [page 77] et alors nous serons hors de toute difficulte. Son office est de pardonner les peches, et addresser sa parolle aux consciences des pecheurs. De faire les punitions corporelles, il ne s'en mesle pas: mais laisse cela a ceux qui en ont l'authorite, et ausquelz la charge en est commise: suyvant ce qu'il dit en un autre lieu: Rendez a Cesar, ce qui est a Cesar (Matth. 22, 21). D'une mesme ignorance procede la seconde allegation qu'ilz font. Iesus Christ, disent-ilz, n'a pas voulu faire le partage 1) entre les deux freres (Luc 12, 14). Il s'ensuit donc qu'un Chrestien ne se doit entremettre des querelles civiles, pour en iuger. Premierement, sainct Paul permet aux Chrestiens de faire ce que Iesus Christ a refuse en ce passage la: c'est d'appoincter amiablement les differens qui surviendront entre les fideles, pour les biens terriens. Car apres avoir reprins les Corinthiens de ce qu'ilz plaidoioyent devant des iuges Payens: et que par ceste occasion le Nom de Dieu estoit blaspheme, il leur remonstre combien il seroit meilleur qu'ilz vuydassent leurs controversies par arbitrages,2) elisant iuges d'entre les fideles, pour decider leurs procez (1 Cor. 6, 1 s.). Et mesme fait cest argument, que puis que nous iugerons les Anges, par plus forte raison nous sommes bien capables3) de iuger des choses [page 78] ter- 1) familiae herciscundae arbiter esse. 2) bonorum virorum arbitratu. 3) plus capables 1611. 6*