23:768 nous ne declinerons point de ce qu'il nous enseigne: mais que nous savons qu'il trouvera tousiours les issues en choses qui seront perplexes quant a nous, et la ou nous ne verrons que confusion. Au reste, on pourroit cependant ici trouver quelque infirmite en Abraham parmi des vertus si excellentes, car il semble [pag. 273] bien qu'il y ait eu de la fiction, en ce qu'il dit, qu'il reviendra avec son fils apres qu'ils auront adore et sacrifie en la montagne: car desia il savoit bien que son fils Isaac devoit la. mourir, pour le moins il s'en tenoit asseure et resolu. Or il ne nous est point licite en facon que ce soit de mentir. Il semble donc qu'Abraham en cest endroit ait failli : Et pour ceste cause aucuns estiment qu'il a parle en Esprit prophetique: mais ce seroit pour aneantir sa foy, d'autant qu'il falloit qu'il fust ignorant de ce qui devoit advenir. Car si Dieu luy eust desia revele que son fils devoit eschapper, il n'y eust eu ne zele ni constance en luy: mais quand il pense qu'il luy faut tuer son propre fils, voila en quoy il a tesmoignage de son obeissance. Et comment donc est-ce qu'il dit que son fils doit retourner avec luy? Or ne trouvons point ceci trop nouveau. Car quand nous sommes ainsi surpris et pressez de passions vehementes, il nous pourra eschapper beaucoup de choses mal a propos, tellement que nous meslerons l'un avec l'autre. Ainsi donc, Abraham a peu parler comme un homme qui avoit son sens quasi esgare. Non pas qu'il ne cognoisse ce qu'il avoit a faire: car s'il fust alle a l'estourdie, aussi bien ce n'estoit pas pour rendre un service agreable a Dieu: mais il est certain [pag. 274] qu'Abraham a eu tellement toutes ses affections arrestees a faire ce que Dieu luy commandoit, qu'il a este la comme un homme ravi, par maniere de dire. Et nous voyons cela en ceux que Dieu a fortifiez. Comme s'il faut qu'un homme aille a la mort, il ne s'en soucie point, et il ne veut pas mesmes qu'on luy parle de l'en divertir: car il fait son conte: II me faut presenter maintenant a Dieu, et il fait* que i'oublie tout le reste. Ainsi donc en est-il advenu a nostre pere Abraham, lequel n'a pas distinctement pense a tout ce qu'il devoit respondre touchant le sacrifice: mais seulement il dit: Nous irons sacrifier a Dieu, et ayant fait nostre offrande nous retournerons. Voila donc quant a ce poinct. Or il est dit qu'Abraham et son fils ont marche plus outre. Ce n'est point sans cause que Moyse met ceci par deux fois: Ils marcherent ensemble: et puis: Ils ont marche plus outre. Quand il dit, qu'ils marchoyent ensemble, c'a este pour nous advertir quelle vehemence de passion a eu Abraham, quand il s'est veu luy seul avec son fils. Car encores quelques fois la compagnie sera cause que nous ne serons pas tant esmeuz ni troublez, Mais quand un homme est seul,