23:679 679 SERMONS. 680 prens. Et qu'est-ce eela? Il nous faut entendre, que Dieu soit iuge et qu'il me punisse si ie mens, et si ie suis variable en mon propos, ceste facon de parler ainsi coupee et rompue, monstre que quand nous iurerons, il nous faut estre comme retenuz en bride: afin de ne provoquer point par legerete [pag. 91] et inconsideration l'ire de Dieu Car il est certain que ceux qui iurent tant souvent et a la volee, sont aussi periures tous les coups. Ce sont choses inseparables : tellement que quand on verra un homme qui iure en table et en rue, on luy pourra dire hardement: Mon amy, non seulement tu abuses du nom de Dieu, mais tu es pariure quand le nom de Dieu est ainsi profane en ta bouche. Il faut donc que nous regardions bien de nous tenir en sobriete, quand il est question de prendre ainsi le nom de Dieu. Mais ici on pourroit demander s'il a este licite a Abram de iurer pour une chose si petite: car il est dit: Tu ne prendras point le nom du Seigneur ton Dieu en vain. Et Abram ne se povoit-il contenter de ceste simplicite de dire: Non, ie n'en feray rien? que ce qui t'avoit este ravi, tu le recoives de ma main: car ie ne me veux point enrichir de ton bien? C'estoit assez ce semble: mais nous savons la feintise des hommes: car par honestete on offrira merveilles, et cependant ceux qui parleront ainsi, retiendront en leur coeur tout l'opposite. Et voila pourquoy on ne s'estime point estre oblige quand on offrira quelque chose: ce sont propos de superabondant et superfluz (comme on dit) car quand il y aura ainsi quelque civilite, il ne semble point qu'il y doive avoir foy et rondeur, d'autant que les hommes sont suietz a cela: il falloit pour cela qu'Abram [pag. 92] iurast. Et puis davantage, il avoit besoin aussi qu'il se delivrast de toute tentation, et qu'il se tint tellement en son devoir, qu'encores qu'il luy fust licite de s'enrichir du bien d'autruy, toutesfois qu'il s'abstint d'une telle liberte, et qu'il se retirast par le serment qu'il avoit interpose. Nous voyons donc que non sans cause Abram dit qu'il avoit iure, afin qu'il n'y ait plus de replique du coste du Roy de Sodome, et aussi qu'il ait une loy qui le contraigne de s'abstenir de ce qu'on povoit tirer en scandale, et dont Dieu aussi povoit estre vilipende entre les incredules. Au reste, nous avons encores a noter ce qu'il dit (Qu'il a leve la main au Dieu Souverain, possesseur du ciel et de la terre): Comme aussi Melchisedec en la benediction avoit use de semblable forme. Car Abram ne s'est point contente de mettre en avant le nom de Dieu, mais il a voulu exprimer quel Dieu il adoroit. Nous savons que desia le monde estoit rempli d'idolatries et de superstitions: chacun avoit bien le nom de Dieu en la bouche, comme encores auiourd'huy les infideles se vanteront assez d'adorer