26:65 65 SUR LE DEUTER. CHAP. III. 66 grand bestail, ceste region nous est propre: il faut donc qu'elle nous soit donnee en partage. En cela on ne les peut nullement excuser. Vray est qu'ils ont este possesseurs de la terre grasse, et fertile: mais cependant Dieu ne les a point benits en tout et par tout. Il eust mieux vallu, sur tout a ceste demie lignee de Manasse, d'estre coniointe avec ses freres, que d'avoir ainsi eu une possession a part: car par ce moyen ils ont este retranchez de la lignee de Iuda: ils n'ont plus eu ceste preeminence d'estre conioints avec leurs freres les enfans de Ioseph. Et ainsi, quand ils se fussent entretenus avec le reste, et qu'ils eussent attendu la volonte de Dieu, comme ils devoyent: il est certain qu'il les eust benits encores plus abondamment qu'ils n'ont este, et consequemment aussi les autres. Nous voyons comme les Prophetes en parlent : Ces boeufs engraissez de Basan (disent-ils) que la graisse leur avoit creve les yeux: que d'autant qu'ils estoyent a leur aise, et en pays fertile et abondant, il n'y avoit qu'orgueil et rebellion en eux. Apprenons donc de ne point cercher par trop nos commoditez, et do ne nous point ingerer selon nos appetis pour envahir ceci ou cela: mais attendons la benediction de Dieu. Nous voyons comme il en est advenu a Lot: car il a eu un mesmes regard pour choisir sa demeure en Sodome. C'estoit la comme un paradis terrestre que ceste pleine, il n'y avoit que delices, il n'y avoit que toute fecondite : Lot se renge la : mais nostre Seigneur luy fait payer l'escot bien cher. Combien qu'il soit de ses eleus, combien que iusques en la fin Dieu ait pitie de luy, et que nous voiyons que ses enfans qui avoyent este procreez d'inceste, neantmoins Dieu encores les a marquez pour leur faire sentir sa grace: si est-ce que Lot est chastie, comme il le merite, d'autant qu'il a este par trop a donne a son aise, et a son profit. Par cela nous sommes enseignez de brider nos souhaits: et quand nous verrons quelque avantage selon la chair, que nons ne l'appettions point par trop. Si Dieu nous le donne, acceptons-le : mais gardons d'estre trop bouillans en nos desirs, comme nous avons accoustume. Voila donc quant a ceste reproche que fait ici Moyse aux enfans de Gad et de Ruben, et a la moitie de la lignee de Manasse. Or cependant nous avons a noter ce qu'il dit: Qu'il a donne ceste region en partage. Car il semble bien qu'il usurpe ici ce qui estoit propre a Dieu. Qu'est-ce qu'a este Moyse? La terre estoit-elle sienne, pour la donner? a quel tiltre s'en pouvoit-il nommer Seigneur? Il est la comme un membre du corps. Il est vray que Dieu l'a tellement honore, qu'il le constitue chef de son peuple: mais cependant comment est-ce que ceste terre se nomme? Le repos de Dieu. Il n'est point dit: Le repos de Moyse: c'est a dire, la terre que Dieu a assignee pour y Calvini opera. Vol XXVI.