23:647 647 SERMONS. 648 ne fust exerce aux armes ny ruse en facon que ce soit : si est-ce neantmoins qu'il surprend ses ennemis, et se rue sur eux de nuict, voire alors qu'ils pouvoyent estre a leurs aises, et apres avoir bien beu, mange et gourmande: mesmes qu'ils pensoyent estre bien asseurez, qu'ils avoyent eu la despouille de Sodome et Gomorrhe. Or nous savons qu'en telles victoires il se commet beaucoup d'intemperances et de dissolutions. Abram donc a bien ceste astuce de surprendre ses ennemis: et toutesfois si est-ce qu'il devoit estre estonne de ce qui estoit advenu, et de ce qu'il avoit veu les ennemis avoir telle victoire. Et quand il vient la soudain et se haste, ces choses-la ne se font pas sans tumulte: mais Dieu le gouverne par son Sainct Esprit. De la cognoissons que Dieu voulut [pag. 25] besongner par luy: et non seulement en faveur de Lot, mais afin qu'il cognust que la promesse n'estoit pas vaine ny frivole, quand Dieu luy avoit donne la maistrise et superiorite sur tout le pai de Canaan. Voyla en somme ce que nous avons a retenir. Il est dit consequemment, que (le Roy de Sodome est venu au devant de luy) qui est pour magnifier la grace de Dieu envers Abram. Car desia nous avons allegue le passage d'Ezechiel, ou il est dit que ceux de Sodome estoyent pleins de fierte, et que c'a este la source de toutes les enormitez qui ont provoque la vengeance de Dieu pour les exterminer du tout. Or quelque orgueil qu'il y ait eu au Roy de Sodome, si vient-il faire hommage a Abram, cognoissant qu'il luy doit toute sa vie et tout son pais. En cela donc voyons-nous comme Dieu a conduit tout cest affaire, et comme il a benit son serviteur Abram. Il est vray qu'il eust beaucoup mieux ayme ne bouger de sa tente, et de ne se point mettre en tel peril et hazard: mais Dieu luy a tendu la main, et a voulu qu'il experimentast sa vertu et son secours au besoin. Cela par consequent a beaucoup profite a Abram: car s'il fust demeure en sa maison sans avoir cogneu une telle defense de Dieu, il est certain qu'il ne pouvoit estre si bien conferme comme il a este depuis. Nous voyons donc quand Dieu nous envoye quelques afflictions [pag. 26], combien qu'elles soyent dures et fascheuses a porter du commencement, tant y a qu'a la fin l'issue nous en est utile et profitable pour nostre salut. Car patience engendre probation, dit S. Paul. Afin que cognoissons par effect qu'alors Dieu nous a secouruz : et quand nous le cognoissons, nous soyons confermez de plus en plus pour esperer en luy. L'esperance ne nous fait iamais honte, car celuy qui a son recours a Dieu ne se trouvera iamais confus. Ainsi donc nous voyons que nous ne nous pourrons tenir quois et paisibles, iusques a tant que Dieu nous monstre pourquoy il nous a affligez, et que cependant il nous face sentir que c'est pour nostre bien,