3:51 51 INSTITUTION CHRESTIENNE. 52 conclu que ce n'est pas une doctrine qu'on commence seulement d'apprendre en l'escole, mais de laquelle chacun doit estre maistre et docteur pour soy dés le ventre de la mere, et laquelle nature mesme ne souffre point qu'on oublie, combien que plusieurs y appliquent toute leur estude. Or1) si tous hommes naissent et vivent à ceste condition de cognoistre Dieu, et que la cognoissance de Dieu, si elle ne s'avance iusques là où i'ay dit, soit vaine et s'esvanouisse: il appert que tous ceux qui n'adressent point toutes leurs pensées et leurs oeuvres à ce but, se fourvoyent et s'esgarent de la fin pour laquelle ils sont créez. Ce qui n'a pas esté incogneu mesme des Philosophes payens: car c'est ce qu'a entendu Platon, disant que le souverain bien de l'ame est de ressembler à Dieu, quand apres l'avoir cogneu, elle est du tout transformée en luy.2) Parquoy un certain personnage qu'introduit Plutarche, argue tresbien, en remonstrant que si on oste la religion de la vie des hommes, non seulement ils n'auront de quoy pour estre preferez aux bestes brutes, mais seront beaucoup plus miserables, veu qu'estans suiets à tant d'especes de miseres, ils meneront en grand regret et angoisse une vie pleine de trouble et inquietude. Dont il conclud qu'il n'y a que la religion qui nous rende plus excellens que les bestes brutes, veu que c'est par icelle que nous tendons à immortalité. [1541 p. 9; 1551 s. Ch. I. §. 11.] Or donc si nous sommes tous naiz à ceste condition de congnoistre Dieu, et la congnoissance d'iceluy est vaine et infructueuse, sinon qu'elle vienne jusques à ce point là: il est manifesté que tous ceulx qui n’adressent point à ce but toutes, les cogitations et actions de leur vie, declinent et deffaillent de l’ordre de leur creation; ce qui n'a mesmes esté incongneu des philosophes, car autre chose n'a entendu dire Plato, quand par plusieurs fois il a enseigné que le souverain bien de l'ame est la similitude de Dieu: quand estant parvenue à la vraye contemplation d'iceluy, est en luy du tout transformée. Parquoy Grylus aussi argue tressaigement en Plutarche, quand il tient que si la religion estoit ostée de la vie des hommes, non seulement ilz n'auroient nulle excellence par dessus les bestes brutes: mais en plusieurs manieres seroient beaucoup plus miserables. A sçavoir d'autant que estans subiectz à tant d'especes de maulx mainent une vie laborieuse et sans repoz, pource qu'il n'y a que la seule congnoissance de Dieu qui les rende superieurs par laquelle ilz peuvent aspirer à l’immortalité. [fn] 1) Ici commence le §. 11 du Ch. I. des éditions antérieures. 2) In Phaedone et Theaeteto.