35:494 procedure qu'il tenoit, mais cependant sa cause estoit bonne. Au contraire les amis de Iob ont eu de belles raisons, et dont nous avons recueilli doctrine saincte: mais tant y a que leur fondement estoit mauvais. Ils prenoyent un argument general hors de propos: c'est que Iob estoit puni a cause de ses malefices, et qu'il le falloit tenir comme meschant et execrable, puis que Dieu usoit d'une telle rigueur contre lui. Et au reste ils avoyent aussi une doctrine fausse et perverse, disans que Dieu traitte les hommes en ce monde selon qu'ils l'ont deservi. Or c'estoit oster l'esperance de la vie eternelle, et enclorre toute la grace de Dieu en ceste vie caduque et fragile: c'estoit donc pour tout pervertir. Et ainsi il nous faut reduire en memoire ces deux poincts-la, pour cognoistre la droiture dont il est ici parle. Et somme il nous faut noter ce que nous avons allegue par ci devant du Pseaume (41, 2), Bienheureux est celui qui iuge sagement du povre en son tonnent: ou le Prophete nous monstre que quand nous voyons quelque homme estre afflige, Dieu veut que nous ayons ceste prudence-la de ne le point condamner du premier coup: mais que nous regardions plus haut: assavoir que les afflictions viennent aucunesfois aux hommes pour les chastier de leurs pechez: aucunesfois pour esprouver leur patience: aucunesfois que Dieu veut prevenir quelques fautes ausquelles ils pourroyent tomber: que Dieu aussi les constitue comme miroirs, afin que voyans leur obeyssance nous en soyons edifiez, aucunesfois il y a des causes secrettes, qui nous sont incognues. Gardons-nous donc de temerite, quand nous voyons que Dieu tormente rudement quelqu'un: que nous n'ayons point un iugement volage, pour prononcer contre lui qu'il est digne d'estre ainsi manie, et pour priser ceux qui sont a leur aise, comme s'ils estoyent mieux aimez de Dieu, car c'est iuger par trop a l'estourdie, que cela. Quand donc nous aurons ceste humanite en nous, de regarder les causes qui nous sont notees en l'Escriture, nous trouverons souvent que ceux qui sont les plus excellens serviteurs de Dieu sont traittez en plus grande rigueur, et nous semblera que Dieu leur soit contraire, mais nous n'en iugerons point a nostre phantasie. Quand nous aurons ceste modestie- la, Dieu nous soulagera tousiours quand nous serons affligez, mais si nous sommes cruels et follement excessifs pour prononcer sentence, il faudra aussi qu'il nous soit rendu en pareille mesure. Et au reste pour mieux comprendre ce qui est ici dit, que Iob a parle droitement, et que ses amis non: il nous faut prendre ceste regle generale, que quand un homme sera en train de suivre Dieu et le craindre: cela sera accepte, encores qu'il commette de lourdes fautes: si un autre n'a point une vraye racine de crainte de Dieu en soi: combien