3:48 nous savons combien il vient mal à gré aux hommes de s'humilier pour donner superiorité par dessus eux aux creatures. Parquoy quand ils ayment mieux d'adorer une piece de bois ou une pierre, que d'estre en reputation de n'avoir point de Dieu, on void que ceste impression a une merveilleuse force et vigueur, veu qu'elle ne se peut effacer de l'entendement de l'homme: tellement qu'il est plus aisé de rompre toute affection de nature que de se passer d'avoir religion. Comme de fait tout orgueil naturel est abattu quand los hommes pour porter honneur à Dieu s'abaissent à tel opprobre, oubliant ceste enfleure d'orgueil à laquelle ils sont adonnez. 2. Parquoy ce qu'aucuns disent, que la religion a esté controuvée par l'astuce et finesse de quelques gens subtils, afin que par ce moyen ils missent quelque bride sur le simple populaire, est du tout frivole. Ils alleguent que telles gens, qui ont commandé de bien servir à Dieu, n'avoyent aucune divinité en estime. Or ie confesse bien que plusieurs fins et rusez ont forgé beaucoup de corruptions pour attirer le simple populaire à devotion folle, et l'effrayer pour l'avoir plus ductible: mais tant y a que iamais ils ne fussent parvenus à leur intention, sinon que desia l'entendement des hommes eust esté disposé, voire constamment resolu, qu'il falloit adorer un Dieu: qui estoit une semence De laquelle source procedoit toute l'inclination à croire ce qui en estoit dict. Mesmes il ne fault estimer que ceulx qui soubz umbre de religion abusoient les plus simples, feussent du tout vuides et desnuez de ceste pensée, qu'il y eust un Dieu. Car combien que anciennement il y en ait eu aucuns, et qu'auiourdhuy il y en ait plusieurs, qui nyent toute divinité: toutesfois bongré malgré, si fault il qu'ilz sentent assiduellement ce qu'ilz desirent d'ignorer. Nous ne lisons point que personne iamais se soit desbordé en un contemnement de Dieu plus audacieux ou outrageux que Gaius Caligula empereur romain. Toutesfois nul n'a iamais tremblé plus miserablement à chacune fois que quelque signe de l’ire de Dieu apparoissoit. Ainsi malgré qu'il en eust, il avoit horreur de Dieu: le quel de propos delibere il s'efforçoit de contemner. Vous verrez communement en advenir autant à ses semblables, car d'autant que un chacun est plus hardy contempteur de Dieu, aisément il s'estonne en oyant une feuille tomber de l'arbre. Dont vient cela, sinon que la maiesté de Dieu se venge d'eulx en espouventant d'autant plus leurs consciences qu'ilz s'efforcent de la fouyr? Ilz regardent bien toutes les cachetes qu'il est possible pour se retirer de la presence de Dieu et tachent d'effacer la memoire d'icelle de leur entendement, mais bongré malgré, ilz sont tenuz enserrez. Et combien qu'il semble aucunesfois qu'elle s'esvanouysse pour petit de temps: neantmoins elle revient tousiours, et les presse de nouveau plus que par avant, tellement que s'ilz ont quelque relache de l'angoisse de leur conscience, elle ne differe gueres du dormir des yvrongnes ou freneticques, lesquelz mesmes en dormant ne reposent point en tranquilité, d'autant qu'ilz sont inquietez assiduellement de visions et songes espouventables. Pourtant les plus iniques mesmes nous sont en exemple que la congnoissance de Dieu ha quelque vigueur universellement au coeur de tous les hommes.