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INSTITUTION
CHRESTIENNE.
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primé
en
tous
une
cognoissance
de
soymesme,
de
laquelle
il
renouvelle
tellement
la
memoire,
comme
s'il
en
distilloit
goutte
à
goutte,
afin
que
quand
nous
cognoissons
depuis
le
premier
iusques
au
dernier
qu'il
y
a
un
Dieu,
et
qu'il
nous
a
formez,
nous
soyons
condamnez
par
nostre
propre
tesmoignage,
de
ce
que
nous
ne
l'aurons
point
honnoré,
et
que
nous
n'aurons
point
dedié
nostre
vie
à
luy
obeir.
Si
on
cherche
ignorance
pour
ne
savoir
que
c'est
de
Dieu,
il
est
vray
semblable
qu'on
n'en
trouvera
pas
exemple
plus
propre
qu'entre
les
peuples
hebetez
et
qui
ne
savent
quasi
que
c'est
d'humanité.
Or
comme
dit
Ciceron,
homme
payen,
Il
ne
se
trouve
nation
si
barbare,
ny
peuple
tant
brutal
et
sauvage,
qui
n'ayent1)
ceste
persuasion
enracinée
qu'il
y
a
quelque
Dieu.2)
Et
ceux
qui
en
tout
le
reste
semblent
bien
ne
differer
en
rien
d'avec
les
bestes
brutes,
quoy
qu'il
en
soit
retiennent
tousiours
quelque
semence
de
religion.
En
quoy
on
void
comment
ceste
apprehension
possede
les
coeurs
des
hommes
iusques
au
profond,
et
est
enracinée
en
leurs
entrailles.
Puis
donques
que
dés
le
commencement
du
monde
il
n'y
a
eu
ne
pays,
ne
ville,
ne
maison
qui
se
soit
peu
passer
de
religion,
en
cela
on
void
que
tout
le
genre
humain
a
confessé
qu'il
y
avoit
quelque
sentiment
de
divinité
engravé
en
leurs
coeurs.
Qui
plus
est,
l'idolatrie
rend
certain
tesmoignage
de
cecy.
Car
Pourtant
veu
que
depuis
le
commencement
du
monde
il
n'y
a
eu
ne
region,
ne
ville,
ne
mesmes
maison
aucune,
laquelle
se
soit
peu
passer
de
religion:
en
cela
nous
avons
comme
une
confession
tacite,
qu'il
y
a
un
sentiment
de
divinité
engravé
aux
coeurs
de
tous
hommes.
Mesmes
l'ydolatrie
nous
est
tresample
argument
de
ceste
pensée.
Car
nous
sçavons
combien
l'homme
s'humilie
maulgré
soy
et
ha
en
honneur
au
pris
de
soy
les
aultres
creatures.
Puis
donc
qu'il
ayme
myeulx
honorer
le
boys
et
la
pierre,
que
d'estre
en
reputation
de
n'avoir
point
de
Dieu:
il
appert
combien
est
vehemente
ceste
impression
de
la
Maiesté
divine,
laquelle
tellement
ne
se
peut
effacer
de
l'esprit
humain,
qu'il
est
plus
aise
de
rompre
son
affection
naturelle.
Comme
certes
elle
est
rompue,
quand
l'homme
de
sa
haultesse
et
presumption
s'abaisse
voluntairement
soubz
les
plus
viles
creatures
de
la
terre,
à
fin
de
porter
reverence
à
Dieu.
[1541
p.
4;
1551
Ch.
I.
§.
6.]
Parquoy
c'est
une
faulse
oppinion,
de
dire
avec
aucuns
que
la
religion
a
esté
anciennement
controuvée
par
l'astuce
et
finesse
de
peu
de
gens,
à
fin
de
contenir
par
ce
moyen
le
simple
populaire
en
modestie.
Combien
que
iceulx
qui
incitoient
les
aultres
à
honorer
Dieu,
n'eussent
aucune
imagination
de
la
divinité.
Ie
confesse
bien
que
certains
hommes
fins
et
cauteleux
entre
les
payens
ont
forgé
beaucoup
de
choses
en
la
religion,
pour
donner
crainte
au
simple
peuple
et
engendrer
scrupules
pour
l'avoir
plus
obeyssant
et
myeux
à
commandement:
mais
iamais
ite
n'eussent
gaigné
ce
point
sinon
que
premierement
les
espris
des
hommes
eussent
esté
resoluz
en
ceste
ferme
persuasion,
qu'il
y
avait
un
Dieu.
[fn]
1)
1562
ss.:
n'ait.
2)
Cicero,
De
Natura
deorum
L.
1,
16.
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