8:400 Cependant ne laissons pas de passer oultre, scachans que Dieu accepte nostre obeissance, moyennant que nous captivions et mattions tous nos sens et desirs pour les rendre subiects a luy. Car les Prophetes et Apostres ne sont pas allez tellement a la mort, qu'ils ne sentissent en eulx quelque vouloir de reculer. On te menera la ou tu ne vouldras point, disoit nostre Seigneur Iesus Christ a Pierre (Ieh. 21, 18). Ainsi quand telles craintes de mort nous poingnent, gaignons par dessus, ou plustost que Dieu gaigne: et cependant tenons-nous asseurez que ce luy est un sacrifice aggreable, que nous resistions et facions force a nos affections pour estre du tout a son commandement. Et c'est la principale guerre en laquelle Dieu veult que les siens s'employent: c'est qu'ils s'efforcent a rabbatre tout ce qui s'esleve en leurs sens et esprits pour les destourner du chemin qu'il leur monstre. Cependant les consolations sont si amples, qu'il fault bien dire que nous soyons plus [f. 29] que lasches quand nous defaillons. Anciennement un nombre infini de gens, a l'appetit d'une simple couronne de fueilles, ne refusoit nul travail, ne moleste, ne fascherie: mesme il ne leur coustoit rien de mourir: toutesfois il n'y avoit celuy d'eulx qui ne combatist a l'adventure, ne scachant s'il debvoifc gaigner le pris ou non. Dieu nous propose la couronne immortelle par laquelle nous soyons faicts participans de sa gloire. Il n'entend pas que nous combations a l'adventure, mais nous promet a tous le pris que nous avons a desirer. Quelle occasion avons-nous de chommer la-dessus? Pensons-nous qu'il soit dict en vain que si nous mourons avec Iesus Christ, nous vivrons aussi avec luy? (2 Tim. 2, 11) Le triomphe nous est appareille, et nous fuyons de combatre entant qu'en nous est. C'est une doctrine repugnante au iugement humain, ie le confesse. Et aussi quand Iesus prononce (Matth. 5, 10) que ceulx qui souffrent pour iustice sont bien-heureux, il ne met point en avant une sentence qui soit aiseement receue au monde. Au contraire, il veult que nous reputions a felicite ce que nostre sens iuge estre malheur. Il nous semble que nous sommes miserables quand Dieu nous laisse fouler par la tyrannie et cruaulte de nos ennemis; mais la faulte est que nous ne regardons point aux promesses de Dieu, lesquelles nous certifient que le tout nous sera tourne a bien. Nous sommes abbatus, voyans les iniques estre les plus forts et nous tenir le pied sur la gorge : mais une telle confusion, comme dit sainct Paul, nous doit plustost eslever en hault. Car d'autant que nous sommes par trop addonnez a nous amuser aux choses presentes, Dieu, en permettant que les bons soyent mal traictez, et que les iniques ayent la vogue, nous monstre par signes evidens qu'un iour viendra auquel