3:40 riches et nobles paremens, ignorant sa misere, ou l'ayant mise en oubli? Parquoy la cognoissance de nous-mesmes non seulement aiguillonne chacun à cognoistre Dieu, mais aussi doit estre mené par icelle comme par la main à le trouver. 2. D'aultre part c'est chose notoire que l'homme ne parvient iamais à la pure cognoissance de soymesme, iusques à ce qu'il ait contemplé la face de Dieu, et que du regard d'icelle il descende à regarder à soy. Car selon que l'orgueil est enraciné en nous, il nous semble tousiours que nous sommes iustes et entiers, sages et saincts, sinon que nous soyons convaincus par argumens manifestes de nostre iniustice, souilleure, follie et immondicité. Or n'en sommes nous pas convaincus si nous iettons l'oeil sur nos personnes seulement, et que nous ne pensions pas aussi bien à Dieu, lequel est la seule reigle à laquelle il faut ordonner et compasser ce iugement. Car d'autant que nous sommes tous de nature enclins à hypocrisie, quelque apparence lcgiere de iustice nous contentera tant et plus au lieu de l'effect et verité. Et pource qu'à l’environ de nous il n'y a rien qui ne soit plein et deffiguré de beaucoup de souilleures, ce pendant que nous avons l'esprit enclos et comme borné entre les pollutions de ce monde, ce qui n'est pas du tout si vilain que le reste nous plaist comme s'il estoit trespur: comme un oeil qui ne voit que du noir, estime que ce qui est brun ou de couleur obscure [1541 p. 2; 1551 s. §. 3.] D'autre part il est notoire, que l'homme ne vient iamais à la claire congnoissance de soymesme, sinon que premierement il ait contemplé la face du Seigneur et aprez l'avoir consideré, descende à se regarder. Car ceste arrogance est enracinée en nous tous: que tousiours il nous semble aduis que nous sommes iustes et veritables, saiges et sainctz, sinon que par signes evidens nous soyons convaincuz d'iniustice, mensonge, folie et immundicité. Or nous n'en sommes point convaincuz si nous regardons seulement à nous, et non au Seigneur pareillement: qui est la reigle unicque à laquelle il fault que ce iugement soit conforme. Car d'autant que nous sommes tous naturellement enclins à hypocrisie: une vaine apparence de iustice nous contente amplement au lieu de la verité, et pource qu'il n'y a riens à l’entour de nous qui ne soit grandement contaminé: ce qui est un peu moins souillé, est accepté de nous pour trespur, ce pendant que nous contenons nostre esprit entre les limites de nostre humanité, qui est toute pollue. Tout ainsi que l'oeil, lequel ne voit