50:288 qu'il se monstre liberal: tellement que nous puissions avoir occasion de magnifier sa bonte. Mais cependant pour ce que tous les biens de ce monde ne nous peuvent tourner qu'a mal iusques a ce que Dieu nous soit propice, voila pourquoy S. Paul tient cest ordre: il met tousiours la grace de Dieu, ou sa faveur gratuite devant les biens qu'il nous eslargit. Combien donc que nous devions demander a Dieu qu'il nous face sentir sa bonte en tout ce qu'il cognoist nous estre propre, si ne faut-il point oublier le principal, a scavoir qu'il nous tienne de son Eglise, et que nous ayons ce tesmoignage en nos coeurs qu'il nous porte faveur: quand nous verrons ceste clairte la, qu'il nous suffise (comme il en est parle au Pseaume, et que cela nous contente. Or cependant combien que Dieu nous permette de souhaiter tout ce qui nous est bon: si est-ce qu'encore nous faut-il restreindre en telle bride, que s'il nous veut affliger par beaucoup de miseres, toutesfois que nous devons tellement priser sa grace, que elle nous suffise seule, encore que le reste nous fust oste. Nous avons desia dit que si nous estions a nostre aise en toutes voluptez et delices, toutesfois malheur sur nous iusques a tant que nous ayons ce repos en nos consciences, que Dieu nous aime, et que nous luy sommes agreables. Voila donc comme tous les biens ne nous doivent point estre desirables, sinon que l'amour de Dieu marche devant. Mais a l'opposite quand Dieu nous aimera, et cependant il voudra esprouver nostre patience, nous laissant languir en ce monde, nous assubietissant a beaucoup d'afflictions: si faut-il neantmoins tellement priser son amour, que nous portions patiemment le tout, encores qu'il semble que cela nous soit contraire. Et d'autant plus nous faut-il bien recorder ceste lecon, que nous voyons les hommes esgarez en leurs appetis. Car la pluspart sont abrutis en telle sorte qu'ils ne desirent sinon d'avoir ce que nature enseigne leur estre propre: ils ne regardent point a Dieu. L'un demandera a boire, l'autre a manger, l'autre d'estre vestu : mais ce sont des souhaits qui volent en Iair. Or il faloit commencer par ce bout la de cognoistre que Dieu est autheur de ce qui nous est bon, et qu'autant de commoditez que nous avons en ce monde, autant d'aides que nous avons pour nous subvenir, ce sont autant de benefices procedans de sa main. Si donc nous ne pouvons adresser nos desirs a Dieu, c'est une chose par trop confuse, voire brutale du tout. Or si est-ce que la plus part du monde est ainsi. Il y a en d'autres qui semblent tenir meilleur ordre et reigle: mais cependant encores ils pervertissent