51:267 267 SERMON II 268 devant la creation du monde. Et ainsi, cognoissons que pour bien magnifier la grace de Dieu, il nous faut venir a ceste fontaine (comme i'ay desia dit) et a la cause premiere, c'est a scay oir, a l'election. Maintenant nous avons a passer plus outre, car il dit, Devant la creation du monde, pour exclure tant mieux tout regard et dignite que les hommes pourront pretendre, selon que nous sommes enclins a. nous attribuer tousiours ie ne scay quoy, et ne pouvons souffrir d'estre reduits a neant. Selon donc que par telle imagination nous cuidons avoir ce que nous n'avons pas, il estoit besoin que S. Paul rabatist ici toute telle folle fantasie. Et voila pourquoy il dit que nous ne pouvions pas de nostre coste nous avancer, quand nous n'estions pas nais encores. Et mesmes Dieu nous a eleus devant que le monde fust cree. Et qu'est-ce que nous luy pouvions donc apporter? Il est vray que les Papistes ont bien une subtilite en cest endroit : car ils disent que Dieu a eleu a salut ceux qui ne le meritoyent pas: mais il a eleu ceux lesquels il a preveu devoir meriter. Ils confessent bien donc qu'il n'y a point de merites qui ayent precede en ordre ni en temps l'election: mais que Dieu a cognu ceux qui en seroyent dignes, comme toutes choses luy sont patentes. Les Papistes, en parlant ainsi, ne nient pas l'election de Dieu. Et mesmes pour monstrer que ces vileins qui auiourd'huy ne peuvent souffrir qu'on en parle, sont comme diables encharnez, et qu'ils endurent une impiete plus enorme et plus vileineque les Papistes, il nous faut noter que les Papistes confessent que Dieu a eleu et predestine devant la creation du monde ceux que bon luy a semble. Ils tiennent cela: ce que ces diables-ci nient, et voudroyent avoir du tout aneanti Dieu en sa maieste, quand ils renversent ainsi son conseil. Les Papistes confessent encores d'avantage (pour le moins ceux qui ont chemine plus droit entr'eux, et ie parle mesmes des moines et des caphars qu'on nomme docteurs scholastiques) que ceste election de Dieu est gratuite, et que Dieu n'a point choisi aucun homme, sinon d'autant qu'il luy a pleu: mais tantost apres ils meslent et brouillent tout: car ils disent que quand Dieu a choisi ceux qu'il luy a pleu, c'a este pour les faire meriter. Et voila sur quoy ils ont fonde leurs merites, tellement qu'ils concluent que les homme par leur vertu peuvent acquerir le Royaume des cieux. Ils disent bien que quant a l'election, c'est un don gratuit: mais ils retournent tousiours a leur fantasie, que Dieu a preveu ceux qui devoyent bien faire. Mais comment auroit-il preveu ce qui ne peut estre? Car nous scavons que toute la lignee d'Adam est corrompue, et que nous ne scaurions avoir une seule bonne pensee pour bien faire, tant s'en faut que nous puissions commencer. Quand Dieu nous attendroit cent mille ans, et que nous pourrions autant